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 Retour sur les différents mai 68 dans Libé

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nakata
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nakata


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MessageSujet: Retour sur les différents mai 68 dans Libé   Retour sur les différents mai 68 dans Libé Icon_minipostedVen 4 Mai 2007 - 19:58

Citation :
Mai 68 Retour acide

Jusqu'au bout de sa campagne, Nicolas Sarkozy a fait le procès du mouvement. Renvoyant la gauche à ses ambiguïtés, il oublie que ce fut aussi la plus grande grève ouvrière française.
Par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : vendredi 4 mai 2007

Scène «début de siècle». Un soir, au lendemain de la victoire du non au référendum sur la constitution européenne, Daniel Cohn-Bendit sort du café des Deux Magots, haut lieu du Tout-Paris, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Il vient de prendre un verre avec un ami sondeur ­ un sondeur en cravate, précision importante, on le verra. Les deux hommes discutent quelques instants sur le trottoir quand un passant reconnaît le député européen et s'approche. Alors, au débotté, comme une colère trop longtemps retenue, commence le procès de 68 et de son héraut le plus fameux. Dany-le-Rouge aurait renié la révolte qui l'a fait star, serait devenu notable du oui, se serait fait le meilleur défenseur du vieux monde qu'il prétendait détruire et, circonstance aggravante, voilà qu'il se promène avec des amis encravatés. Comme si l'habit faisait le révolutionnaire, et la cravate le renégat.

Déjà, en 1985, Guy Hocquenghem avait donné à sa charge contre les soixante-huitards un titre vestimentaire : Lettre de ceux qui sont passés du col Mao au Rotary . Car cela fait des années, maintenant, qu'enfle l'accusation contre les anciens de 68, coupables tantôt d'avoir instillé dans la jeunesse le venin du relâchement des moeurs, tantôt d'avoir trahi les idéaux de Mai. Et, comme si chaque scrutin était l'occasion d'une nouvelle poussée de fièvre, les derniers jours de la campagne pour l'élection présidentielle ont vu Nicolas Sarkozy se livrer à une attaque sans précédent. «Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral , a lancé le candidat de l'UMP dans la salle surchauffée du palais omnisports de Bercy, à Paris. Les héritiers de Mai 68 avaient imposé l'idée que tout se valait, qu'il n'y avait aucune différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid. [...] Voyez comment le culte de l'argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portés par les valeurs de Mai 68.» Sonnés, les ex-soixante-huitards ont eu le sentiment qu'ils étaient en train de devenir les boucs émissaires. «C'est de la haine anti-68», s'indigne Romain Goupil, cinéaste, auteur du film Mourir à trente ans qui racontait, justement, l'héritage de 68 ­ mais son versant tragiqu.e

Mai 68 a eu lieu il y a trente-neuf ans, mais n'appartient toujours pas à l'histoire. De livres en déclarations, d'articles en discussions d'amis, l' «événement obscur», selon l'expression de Sylvain Lazarus, continue de travailler les Français. Une face inattendue de l'exception nationale puisque, si l'agitation estudiantine traversa alors toute l'Europe, la France est le seul pays où la bataille de l'interprétation des événements connaît un tel regain. En pour ou en contre, en attraction ou en répulsion. A gauche, les mouvements sociaux sont systématiquement comparés à l'étiage de 68, comme si le but était de copier un modèle arrêté pour toujours ; à droite, cultivant la douce fiction d'une domination sans partage de l'idéologie 68, Nicolas Sarkozy a fait de sa dénonciation son cheval de bataille au service d'une droite qui retrouverait enfin la fierté d'être elle-même. Une floraison de livres et d'émissions spéciales est en préparation pour le quarantième anniversaire, qui viendra s'ajouter à une liste déjà très fournie d'ouvrages, dont la publication connaît un pic à chaque célébration décennale : 1978, 1988, 1998. Le sujet s'invite même dans les salles à manger : «L'autre jour, un ami venu dîner à la maison a qualifié mes arguments de "soixante-huitards" et j'ai vu que, d'un coup, tout ce que je pourrai dire n'aurait plus aucune valeur à ses yeux. La discussion était finie», raconte une Italienne vivant à Paris, bien trop jeune pour avoir connu 68.

«Révolution nihiliste»

L'économiste Henri Guaino, auteur du discours de Bercy et ancien conseiller de Philippe Séguin, ne cache pas sa jubilation. «Ce que nous voulions, c'est mettre des mots sur ce dont tout le monde parle dans cette campagne. Que ce soit Royal, avec son ordre juste, ou Sarkozy, avec sa volonté de revaloriser le travail, on voit bien que tout le monde prône exactement le contraire de 68. Seulement, à cause de sa base militante, la candidate socialiste ne peut pas aller jusqu'au bout. Nous, si. Nous sommes à la fin du cycle 68.» Que l'air du temps ne soit pas à jouir sans entraves n'a échappé à personne. Mais si l'importance que Nicolas Sarkozy accorde au sujet est inédite de la part d'un homme politique, le procès de 68 pour laxisme moral est aussi vieux que l'événement lui-même. Ouvert par Raymond Aron, qui parla de «révolution nihiliste», il s'est déployé dans les années 80, quand Gilles Lipovestky y vit l'acte de naissance de l'individualisme narcissique moderne et Alain Renaud et Luc Ferry ­ qui se retrouve aujourd'hui en soutien actif de Nicolas Sarkozy ­, l'avènement d'un nouvel «antihumanisme».

Depuis, «tiers-mondisme», «pédagogisme», «relativisme» ou «jeunisme» sont autant de qualificatifs aux effluves réactionnaires dont la «pensée 68» s'est vue affublée, non sans un air de famille avec les néoconservateurs américains lorsqu'ils accusent le «flower power» étudiant d'avoir plongé l'Amérique dans la décadence. «Le discours de Sarkozy, c'est de la nostalgie pure. Ça revient à dire que c'était mieux avant», résume le sociologue Jean-Pierre Le Goff, ex-mao et auteur de Mai 68. L'Héritage impossible . Posé en ces termes, le débat donne lieu à un rituel bien rodé. Dès que 68 est mis en cause, Daniel Cohn-Bendit et d'autres personnalités connues pour leur engagement dans la révolte étudiante s'empressent de rappeler l'héritage «libéral-libertaire» de 68 : droits des femmes et des homosexuels, liberté sexuelle, décrispation des relations hiérarchiques, ouverture à de nouvelles formes de culture. «Mai 68 a permis de moderniser la France», résume, en général, Daniel Cohn-Bendit. Indice pourtant d'un certain malaise, les mêmes débattent longuement des illusions et des erreurs inhérentes à l'esprit de Mai. Comme si, même pour un procès, on n'était jamais mieux servi que par soi-même.

Trois fois plus de grévistes qu'en 1936

Nicolas Sarkozy n'invente donc rien. Sauf une chose : dimanche, pour la première fois, il a opéré une synthèse inédite entre la critique «morale» de 68 et une critique plus «sociale», jusqu'alors réservée aux débats internes à la gauche. «Voyez-la, écoutez-la, cette gauche qui, depuis Mai 68, a cessé de parler aux travailleurs, de se sentir concernée par le sort des travailleurs, d'aimer les travailleurs», a-t-il lancé, avant d'enfoncer le clou, mercredi, sur France Inter, affirmant qu'en 68, il n'y avait pas de travailleurs dans les manifestations du Quartier latin. Ce qui est factuellement vrai, mais n'empêche pas que les ouvriers furent des acteurs essentiels du mouvement. Le sociologue Jean-Pierre Le Goff ne peut que saluer l'habileté de la manoeuvre : « Il pointe les faiblesses de 68, il remue le couteau dans la plaie. Il y a eu effectivement une occultation de la classe ouvrière par la gauche à partir des années 70, et encore plus dans les années 80, en partie sous l'influence de 68. Sarkozy joue du ressentiment des classes populaires qui se sont senties méprisées par l'idéologie soixante-huitarde.»

Il se pourrait que l'enjeu réel de ce débat quelque peu anachronique se trouve dans la question irrésolue du lien entre révolte étudiante et grèves ouvrières. Neuf millions de personnes ont cessé le travail dans toute la France, trois fois plus qu'en 1936 ; avec une hausse du Smic de 35 %, les accords de Grenelle ont marqué durablement le paysage social, comme ne s'est pas privée de le rappeler Ségolène Royal mardi au stade Charléty, en réponse à Nicolas Sarkozy. Et pourtant, cet «autre 68» n'a pas connu dans l'imaginaire français la postérité fastueuse de l'occupation de la Sorbonne par les étudiants. «Mai 68 a été la grève la plus importante de l'histoire du mouvement ouvrier français et l'unique insurrection "générale" qu'aient connue les pays occidentaux depuis la Seconde Guerre mondiale», écrit l'universitaire américaine Kristin Ross, dans un livre qui relate en détail la bataille des interprétations de Mai 68. Ross voit dans la réduction des événements aux seules barricades du Quartier latin une forme de «confiscation» historique et déplore une lecture générationnelle des événements, «une transformation bénigne des moeurs», le simple passage «d'un ordre bourgeois autoritaire à une nouvelle bourgeoisie moderne et économiquement libérale».

Règlement de compte

Dès 1978, Régis Debray avait interprété l'histoire de 68 comme une superbe «ruse du capital» , par laquelle des apprentis gauchistes s'étaient retrouvés les agents involontaires de la modernisation du capitalisme entamée au milieu des années 70. Dans le Nouvel Esprit du capitalisme , Luc Boltanski et Eve Chiapello ont reconstitué le lien qui unit l'accroissement de la flexibilité dans les entreprises à partir des années 80 et l'idéologie libérale-libertaire de 68 ; tournant le dos aux revendications de pouvoir d'achat défendues par la CGT, expliquent-ils, une partie du gauchisme soixante-huitard avait préféré, avec la CFDT, réclamer une plus grande autonomie pour les salariés, dans laquelle ils voyaient le premier pas vers l'autogestion. Enfin, avec le Destin des générations , Louis Chauvel a dressé le portrait du soixante-huitard en jouisseur égoïste des fruits des Trente Glorieuses. Solidement étayées, souvent pertinentes, ces analyses rencontrent depuis une dizaine d'années un large écho dans certaines franges des jeunes générations ; en témoigne la place que leur accorde le magazine Technikart . Pas sûr, pourtant, que la «critique de gauche» de 68 se montre ravie du renfort inopiné de Nicolas Sarkozy...

Henri Gaino, lui, se frotte les mains. «Ce sont les soixante-huitards qui se sont attaqués au peuple. Il y a eu deux Mai 68 qui ne se sont pas rencontrés.» Le passant du boulevard Saint-Germain avait laissé éclater sa colère contre Daniel Cohn-Bendit. En termes plus polis, Henri Guaino ne cache pas que la cible numéro 1 du discours de Bercy était bien l'eurodéputé. Lui, qui fut aux côtés de Philippe Séguin un adversaire acharné de la monnaie unique, semble poursuivre auprès de Nicolas Sarkozy un interminable règlement de compte avec ceux que Jean-Pierre Chevènement, souverainiste «de gauche» , avait appelés, en son temps, «les nouvelles élites mondialisées», en visant, déjà, Daniel Cohn-Bendit.
De quoi remettre à leur juste dimension les propos de Nicolas Sarkozy : celle d'un rappel à l'ordre. «Trop longtemps, on a pensé que résoudre les problèmes économiques et sociaux réglait tout. Ce n'est pas exact. Dans les périodes de troubles, de contestation où même les institutions les plus anciennes hésitent et ne jouent plus leur rôle, l'Etat, seul, sert de rempart à la population contre les conséquences du désordre des esprits.» Ainsi parlait en 1971 Raymond Marcellin, lointain prédécesseur de Nicolas Sarkozy à l'Intérieur. Place Beauvau, les ministres passent, mais la phobie de 68 demeure.

Je trouve cette analyse plus pertinente que celle de Cohn-Bendit.
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