- billbaroud35 a écrit:
- Au contraire Duchesse, sur ce coup là tu es beaucoup plus douée que nous manifestement!
Si tu es abonnée au forum du monde, ça s'esspliquerait!
je te propose de copier-coller l'article paske sinon nous on l'verra pas...
Mais Bill je ne suis pas abonnée au forum du Monde, mais au Monde tout simplement!
Bon, j'envoie! Mais c'est long...:
A l'hôpital de Caen, l'amiante est chez luiLE MONDE | 15.12.06 | 14h43 • Mis à jour le 15.12.06 | 14h44
CAEN ENVOYÉE SPÉCIALE
Une vision "surréaliste". En visitant, dans la nuit du 18 au 19 octobre, les services techniques du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, le président du Comité antiamiante de Jussieu, Michel Parigot, a été confronté à un spectacle stupéfiant : partout, des débris d'amiante jonchant le sol, piétinés depuis plusieurs années par le personnel, un chemin s'étant même formé sur le passage des rondes de nuit. Tout l'étage 23, qui abrite la maintenance des ascenseurs, l'eau et les transformateurs d'électricité, est ainsi pollué par la fibre cancérigène, résultat de la dégradation avancée du flocage des plafonds et des structures métalliques. Malgré la réglementation qui impose un désamiantage sécurisé, le service a été laissé en l'état depuis des années, quasiment à l'abandon. Jusqu'à une date récente, les ouvriers y intervenaient sans protection particulière, au mépris des règles élémentaires de sécurité...
Après la visite de M. Parigot, sollicité en tant qu'expert par les élus du personnel, les syndicats ont déclenché, le 26 octobre, une procédure de "danger grave et imminent". Réuni en session extraordinaire, le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a alors adopté, le 6 novembre, des "mesures urgentes" : port de masques à ventilation assistée avec combinaisons et surbottes, mise en place de sas avec douche, signalisation du danger, formation des agents au risque de l'amiante. La plupart de ces dispositions étant désormais appliquées, la procédure de danger grave devait être levée, vendredi 15 décembre. Reste que, comme l'a écrit le Comité antiamiante Jussieu au ministre de la santé, Xavier Bertrand, le CHU de Caen aurait placé "nombre de ses agents en situation de danger grave dans des circonstances constitutives du délit de mise en danger de la vie d'autrui".
Comment comprendre qu'un établissement de santé, qui abrite un service de pathologies professionnelles spécialisé dans l'amiante ainsi que le centre de référence national d'analyse du mésothéliome (cancer spécifique à la fibre), ait pu laisser prospérer une telle situation ? Omniprésent dans ce bâtiment de 150 000 m2 datant des années 1970, l'amiante a toujours constitué un casse-tête au CHU. Que ce soit sous forme de flocage mou dans les services techniques, d'amiante plâtré dans tous les faux plafonds ou de calorifugeage autour des gaines des tuyaux, la fibre tueuse est partout, souvent dans un état très dégradé. Certes, l'amiante n'est pas directement dangereux pour les patients et le personnel soignant, qui ne sont pas, en théorie, à son contact direct. Le personnel technique, en revanche, n'est pas à l'abri de l'inhalation de poussières : les protocoles qui imposaient le port du masque et de la combinaison en papier, déjà insuffisants pour intervenir sur les sites amiantés, n'ont pratiquement jamais été respectés...
Comme tout bâtiment accueillant du public, le CHU est pourtant soumis à une réglementation stricte en matière d'amiante : depuis 1996, date de l'interdiction de la fibre en France, les propriétaires doivent repérer sa présence, entreprendre les travaux de désamiantage qui s'imposent et protéger les personnes appelées à intervenir sur les sites pollués. L'hôpital de Caen a bien procédé, entre 1998 et 2004, au désamiantage des parkings du sous-sol, du niveau 0 et des tuyauteries des niveaux 6, 7 et 8. Mais les services techniques, situés aux niveaux 2, 4 et 23 sont, eux, restés en l'état. L'établissement disposait pourtant, dès 1997, d'un diagnostic indépendant qui indiquait que le flocage était "en très mauvais état" et qu'il convenait de procéder à des "travaux impératifs et immédiats".
Au cours des dix dernières années, les syndicats se sont inquiétés à plusieurs reprises du danger. "La direction n'arrêtait pas de répéter que le risque était maîtrisé, qu'il restait localisé dans les étages techniques", se souvient Gérard Durand, ancien secrétaire du CHSCT. "Ils ont toujours minimisé le danger en disant qu'ils prenaient des mesures, renchérit Philippe Saint-Clair, délégué CGT. Ils engageaient des procédures d'appel d'offres, puis faisaient valoir des difficultés techniques, et le dossier s'enlisait."
Peu à peu, les incidents se sont multipliés dans les services techniques. Après la tempête de 1999, de gros blocs d'amiante sont tombés des plafonds du 23e niveau. Les équipes de ménage ont ensuite renoncé à s'y rendre, laissant les fibres s'accumuler. En 2004, la direction a voulu faire nettoyer les niveaux 2 et 4, également empoussiérés, mais a dû reculer devant les protestations syndicales. En 2005, lors de travaux de rénovation dans le service pneumologie, un calorifugeage a été percé par mégarde et une bonne partie du service a été polluée...
En septembre, des vidéos accusatrices ont commencé à circuler sur Internet. Au même moment, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France a émis un avis défavorable à une demande de délai pour réaliser les travaux, sollicitée par le CHU. Stigmatisant "l'insuffisance de la prise en compte du risque amiante" dans le bâtiment, le Conseil a souligné "l'urgence de mettre en place, à l'étage 23, des mesures de protection collective pour que toute personne (...) soit protégée".
Epaulé par l'Agence régionale d'hospitalisation, le CHU est aujourd'hui doté d'un plan d'action de désamiantage de nature à répondre aux exigences de la réglementation. Assurant l'intérim, après le départ d'un directeur resté quatorze ans à la tête de l'établissement, Liliane Lenhardt reconnaît toutefois que les travaux du niveau 23 "ont pris du retard". "Pendant des années, nous ne sommes pas parvenus à trouver une solution technique satisfaisante sans se priver de l'eau ou de l'électricité, essentielles au fonctionnement de l'hôpital", dit-elle.
Quant à la question de la protection des salariés intervenant sur l'étage, Mme Lenhardt admet qu'"ils ne respectaient pas vraiment les procédures en place". "On peut toujours faire mieux que ce que l'on a fait, estime-t-elle. Mais on ne peut pas dire que le CHU n'était pas conscient des problèmes."
Pour l'heure, six employés souffrant de plaques pleurales se sont vu reconnaître une maladie professionnelle au CHU. Ils pourraient être plus nombreux à l'avenir, les pathologies liées à l'amiante ne se déclenchant que plusieurs années après l'inhalation des fibres. "La situation caricaturale du CHU montre qu'il est toujours difficile de mobiliser sur l'amiante, qui reste un risque très difficile à cerner et à appréhender parce qu'invisible et inodore, analyse Michel Parigot. Le plus navrant, c'est que la réglementation protégeant les salariés peut être totalement bafouée : on peut faire n'importe quoi pendant très longtemps sans que cela n'ait strictement aucune conséquence."
Cécile Prieur
Article paru dans l'édition du 16.12.06.