Washington et New Delhi finalisent un accord sur le nucléaire
LE MONDE | 28.07.07 | 14h32 • Mis à jour le 28.07.07 | 14h32
WASHINGTON CORRESPONDANTE
Les Etats-Unis et l'Inde sont parvenus à un compromis sur la mise en oeuvre de l'accord de coopération nucléaire annoncé en juillet 2005 par le président américain, George Bush, et le premier ministre indien, Manmohan Singh, ouvrant la voie à un partenariat stratégique jugé de la plus haute importance par Washington. Entériné par le Congrès en décembre 2006, l'accord achoppait notamment sur la possibilité qu'entendait conserver New Delhi de procéder à d'éventuels essais nucléaires et sur les réticences de Washington à laisser aux Indiens la faculté de retraiter le combustible usagé, par crainte d'utilisation à des fins militaires.
L'accord n'a pas été publié. Il a seulement été annoncé par un communiqué de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et du chef de la diplomatie indienne Pranab Mukherjee, se félicitant de "l'étape historique" franchie par les deux pays. Aussitôt, le numéro trois du département d'Etat, Nicholas Burns, en a exposé les grandes lignes. "Nous n'avons pas seulement conclu un accord. Nous avons aussi construit une relation de confiance", a-t-il dit.
Les Etats-Unis ont accepté l'exception indienne. Alors qu'ils n'autorisent que les alliés les plus proches (Japon, Union européenne) à retraiter l'uranium, ils ont accepté de donner les mêmes droits à l'Inde. En échange, New Delhi devra construire de nouvelles installations à cet effet, qui devront être soumises au contrôle de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). En ce qui concerne les éventuels essais nucléaires - pour lesquels New Delhi observe un moratoire unilatéral -, les deux parties sont restées dans le flou. L'Inde, qui s'inquiétait de perdre sa source d'approvisionnement en cas d'essai nucléaire, pourra disposer d'une réserve stratégique de combustible et d'un accès garanti par les Etats-Unis au marché international.
UTILISÉ À DES "FINS PACIFIQUES"
L'accord ne pourra entrer en vigueur que lorsque l'Inde aura négocié les conditions de vérification par l'AIEA. Les Etats-Unis doivent aussi convaincre leurs 44 partenaires du Groupe international des fournisseurs de combustible nucléaire (NSG) d'accepter de changer les règles qui interdisent la coopération avec les pays qui n'acceptent pas de contrôle intégral de leurs installations. Le Congrès, enfin, devra réexaminer l'accord.
Les défenseurs du régime de non-prolifération inscrit dans le traité de 1970 (TNP) se sont émus des concessions faites par l'administration Bush. "Nous avons essayé d'empêcher l'Inde d'avoir la bombe et nous avons échoué. L'Inde continue de développer son programme de missiles. Et malgré tout, nous sommes prêts à la traiter en partenaire commercial parce que nous voulons faire de l'argent", a critiqué Gary Milhollin, un expert reconnu des questions de désarmement. M. Burns a récusé l'idée que l'accord affaiblit le TNP. Au contraire, a-t-il assuré, il le "renforce", puisqu'il amène dans le giron nucléaire international un pays qui en était exclu depuis trente ans. L'Inde a fermement assuré que tout le matériel nucléaire sera utilisé "uniquement à des fins pacifiques", a-t-il dit.
Pour les Etats-Unis, c'est le début d'une relation stratégique fructueuse, une "libération", a dit M. Burns, évoquant des perspectives de coopération en matière de défense et de ventes de matériels militaires. La Chambre de commerce a estimé que la coopération nucléaire avec l'Inde pourrait générer des contrats allant jusqu'à 100 milliards de dollars (73 milliards d'euros) pour l'industrie américaine et créer 27 000 emplois chaque année pendant dix ans.
Corine Lesnes
Article paru dans l'édition du 29.07.07.
Chacun fait son bizness comme il peut : nous, c'est la Lybie ... on voit tout de suite la différence d'échelle.