Les Enfants Terribles

Paul et Elisabeth sont frère et sœur.
Ils « jouent » dans leur chambre.
Ils sont presque adultes.
Leur jeu est intime, enfantin, rituel, pervers.
C’est un simulacre de convention familiale.
Leur jeu est gratuit.
Leur jeu est attirant.
Ceux qui gravitent autour d’eux sont inexorablement attirés et contaminés.
La relation quasi incestueuse de Paul et Elisabeth se nourrit de sadisme et de sournoiserie, se nourrit sans scrupules de la faiblesse et l’innocence de leurs amis : Paul et Agathe.

On voit, on prévoit l’inéluctabilité du « grand finale » tragique et destructeur.

Car ces presque adultes, ces encore enfants vont se détruire, par jalousie, par jeu, pour avoir raison.
Pour ne pas perdre.
Mais se perdre.






La voix off (Jean Cocteau, lui-même), déclamatoire et affectée, parfois simple pléonasme de l’image, prend le jeu au sérieux, rend le jeu « grave » : « la peine de mort n’existant pas au collège, Dargelos fut renvoyé ».

Tout dans le film concoure à transformer le monde ordinaire en monde magique, et tout soutient « le jeu ». Les mélodies obsédantes de Vivaldi, le monde enneigé, les cadrages de Melville qui soulignent cette recherche adolescente de l’intimité dans un univers froid et sombre (« la chambre » est reconstituée dans la salle immense de l’hotel de l’américain).

La lumière et les ombres, aussi, rendent l’atmosphère envoûtante : admirons par exemple, la surexposition signifiante du visage d’Elisabeth quand elle cherche à convaincre Gérard ; pour lui, amoureux transi, elle « rayonne ».




Et le jeu des acteurs assure également le spectacle, à la fois tourmenté et artificiel : celui d’Edouard Dermithe, très mauvais acteur et trop âgé pour le rôle ; celui de Nicole Stéphane, incandescent et désordonné. Et Renée Cosima, étonnante d’arrogance et de beauté butée quand elle joue le garçon Dargelos (quel beau nom, également), puis faible et fragile en fille Agathe. Paul ne peut admettre qu’il est attiré par Dargelos et, plus tard, se venge sadiquement sur Agathe. Et, bien sûr, il se perd quand il admet son amour pour Agathe.


Pendant longtemps j’ai mis ce film, vu à l’adolescence, en tête de mes favoris

En attendant, c'est un plaisir de lire ce genre de critique. J'aime beaucoup votre style en la matière. ça donne réellement envie.

c0rt0maltese a écrit:

L'Gé a écrit:

Pendant longtemps j’ai mis ce film, vu à l’adolescence, en tête de mes favoris

Tiens et quels sont ils maintenant, tes favoris?

C0rt0, curieux...

Maintenant, "je m'emballe" plus pour des cinéastes que pour des films pris isolément...
Michael Mann en tête,
Kim Ki Duk,
Bertrand Tavernier,
Richard Linklater,
et d'autres....

lerouge a écrit:

En attendant, c'est un plaisir de lire ce genre de critique. J'aime beaucoup votre style en la matière. ça donne réellement envie.

Merci
J'espère en effet "donner envie" quand je peux...