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| Hitchcock - Truffaut, la correspondance | |
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L'Gé Invité
| Sujet: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Lun 23 Oct 2006 - 10:32 | |
| - François Truffaut a écrit:
Paris, le 2 Juin 1962
Cher Monsieur Hitchcock,
Tout d’abord, je me rappelle à votre souvenir. Il y a quelques années, j’étais journaliste de cinéma, lorsqu’à la fin 1954 je suis allé, avec mon ami Claude Chabrol, vous interviewer au studio Saint-Maurice où vous dirigiez la postsynchronisation de « To Catch A Thief ». Vous nous aviez demandé de vous attendre au bar du studio, et c’est alors que sous l’émotion d’avoir vu quinze fois de suite une boucle montrant dans un canot Brigitte Auber et Cary Grant, nous sommes tombés, Chabrol et moi, dans le bassin gelé du studio. Très aimablement vous avez accepté de reporter l’entretien, qui a eu lieu le soir même à votre hôtel. Par la suite, à chacun de vos passages à Paris, j’ai eu le plaisir de vous rencontrer avec Odette Ferry, et l’année suivante vous m’avez même dit : « je pense à vous chaque fois que je vois des glaçons dans un verre de whisky ». (*1)
Un an plus tard, vous m’avez invité à venir quelques jours à New York à regarder le tournage de « The Wrong Man », mais j’ai dû décliner cette invitation, car, quelques mois après Claude Chabrol, J’abordais à mon tour la mise en scène.(*2) J’ai tourné trois films, dont le premier, « The Four Hundred Blows », a eu, je crois, une certaine audience à Hollywood. Le dernier « Jules et Jim », est actuellement projeté à New York. J’en viens à l’objet de ma lettre. Au cours de mes discussions avec des journalistes étrangers et surtout à New York, je me suis rendu compte qu’on se fait souvent une idée superficielle de votre travail. D’une part, la propagande que nous avons faite aux Cahiers du Cinéma était excellente pour la France, mais inadéquate pour l’Amérique, car trop intellectuelle. Depuis que je fais de la mise en scène, mon admiration pour vous n’a point faibli, au contraire, elle s’est accrue et modifiée. J’ai vu cinq ou six fois chacun de vos films, et je les regarde à présent davantage sous l’angle de la fabrication. Beaucoup de cinéastes ont l’amour du cinéma, mais vous, vous avez l’amour de la pellicule et c’est de cela que je voudrais parler avec vous.(*3)
Je voudrais que vous m’accordiez un entretien au magnétophone qui se poursuivrait une huitaine de jours et totaliserait une trentaine d’heures d’enregistrement, et cela dans le but d’en tirer, non des articles, mais un livre entier qui serait publié simultanément à New York et à Paris, puis, par la suite probablement un peu partout dans le monde. […]
Voici le plan de travail que j’envisage. Seulement une interview très détaillée et chronologique. D’abord la biographie, les premiers travaux hors cinéma, puis le séjour à Berlin. Ce serait ensuite : 1° les films anglais muets ; 2° les films anglais parlants ; 3° les premiers films américains pour Selznick et les films d’espionnage ;(*4) 4° la « Translatantic Pictures » (*5) 5° la période Vistavision (*6) 6° de « The Wrong Man » aux « Oiseaux »
Les questions porteraient plus précisément sur : a) les circonstances entourant la naissance de chaque film ; b) l’élaboration et la construction du scénario ; c) les problèmes de mises en scènes particuliers à chaque film ; d) la situation du film par rapport à ceux qui le précèdent ; e) estimation par vous du résultat artistique et commercial par rapport aux intentions .(*7) […]
Si ce projet vous convient, je vous prie de m’indiquer la manière dont vous aimeriez qu’il se concrétise. J’imagine que vous êtes en train de faire le montage des « Oiseaux », et peut-être souhaiteriez-vous attendre un peu ? De mon côté, je vais tourner à la fin de l’année mon prochain film qui sera tiré d’un roman de Ray Bradbury, « Farhenheit 451 », et c’est pourquoi j’aimerais que nore travail ait lieu entre le 15 Juillet et le 15 Septembre 1962. (*9) Si vous me donniez votre accord, je réunirais tous les documents nécessaires pour préparer les quatre ou cinq questions que je désire vous poser, et je me ferais projeter à la Cinémathèque de Bruxelles ceux de vos films que je connais le moins bien. Cela me prendrait environ trois semaines, ce qui me permettrait de me tenir à votre disposition à partir de la mi-Juillet. Quelques semaines après notre entretien, le texte retenu, monté et corrigé, vous serait soumis en anglais de manière à ce que vous puissiez y apporter les corrections que vous jugeriez utiles, et le livre lui-même serait prêt à paraître vers la fin de cette année.(*10)
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, cher Monsieur Hitchcock, à ma profonde admiration et je vous adresse mon meilleur souvenir.
François Truffaut Notes : (*1) Chabrol rapporte également ce gag dans ses mémoires. Il rapporte même qu'ils ont essayé tout de même de faire l'interview, même tout mouillés. Mais, comble du malheur, le magnétophone fit quelques étincelles au démarrage puis expira... (*2) Il s'agit sûrement du "Beau Serge" pour Chabrol et des "Mistons" pour Truffaut (*3) Les Cahiers du Cinéma avaientt sorti un spécial Hitchcock et un special Hawks ... ce qui les amenaient à être Hitchcocko-Hawksiens ! en opposition à ceux qui vénéraient la "qualité française", personalisée par les scénaristes Aurenche et Bost, mais aussi Ford et Huston ! ... Chabrol avoua bien plus tard que leur trop plein d'énergie les amenaientt à être non seulement extrêmement positifs mais aussi extrêmement négatifs donc totalement injustes et parfois ridiculement sectaires (*4)Selznik, grand producteur américain - « Autant en emporte … » c’est lui - il fit venir Hitch aux US pour « Rebecca » (*5)compagnie montée par Hitch pour produite ses films (*6)Vistavision était un format type 1,85 qui a disparu au profit du cinémascope (*7)Prouvant que Truffaut était un véritable "entrepreneur", prévoyant et minutieux, le livre suivra exactement ce plan (*9)En réalité, Truffaut ne tournera « Farhenheit » que 6 ans plus tard – le film qui suivra « Jules et Jim » sera « La peau Douce » (*10)En réalité, le livre sera publié en 1967 - Hitchcock (télégramme) a écrit:
- Cher Monsieur Truffaut - Votre lettre m’a fait venir les larmes aux yeux et combien je suis reconnaissant de recevoir un tel « tribute » de votre part – Stop – Je suis toujours en train de tourner « The Birds » et cela continuera jusqu’au 25 Juillet et après cela je devrai commencer le montage ce qui me prendre quelques semaines – Stop (Note L’G : Hitch avait des périodes de montage très courtes, car il respectait scrupuleusement le découpage initial)– Je pense que j’attendrai que le tournage sur « The Birds » soit terminé et je me mettrai alors en contact avec vous, avec l’idée de vous rencontrer vers la fin Aout – Stop – Merci encore pour votre charmante lettre – Sincères amitiés – Cordialement votre – Alfred Hitchcock.
Note: La rencontre eut bien lieu à ce moment-là. Le début d'une longue amitié, de conversations fabuleuses et d'une correspondance brillante... |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Mar 24 Oct 2006 - 11:40 | |
| - François TRuffaut a écrit:
- Paris, le 17 Septembre 1962
Cher Monsieur Hitchcock,
Tout d’abord, je dois vous prier de me pardonner d’avoir tant tardé avant de vous écrire. De Cannes, ma femme et moi avons appelé au Claridge Hotel de Londres, mais, hélas, le lendemain de votre départ pour New York. […]
La détection de nos entretiens se poursuit très régulièrement à New York et à Paris. Je suis très content de ce que j’ai lu au fur et à mesure, mais je crois quand même – si vous êtes d’accord avec moi pour souhaiter un livre complet et irréprochable- que nous devrions parler à nouveau devant un magnétophone pendant une demi-journée pour aborder quelques généralités qui ont été laissées de côté.
Ces dernier jours j’ai revu « Vertigo » et « Rear Window » et, à la lumière de nos conversations, j’y ai vu naturellement beaucoup de choses nouvelles. Vertigo est le plus sentimental, le plus poétique, mais « Rear Window », c’est la perfection. […]
J’ai pensé à une chose qui serait intéressante. Ce serait d’éditer un grand disque « Alfred Hitchcock présente Bernard Herrmann » qui rassemblerait les musiques de « Harry », « The Wrong Man », « The Man Who Knew Too Much », « North By Northwest », entrecoupées de petites présentations dont vous avez le secret : musique pour étrangler, musique pour s’évanouir, musique pour enterrer les cadavres, etc Pour actualiser ce disque, vous pourriez même y inclure quelques-unes des sons synthétiques des « Birds ». Que pensez-vous de cette idée ? Je sais qu’en France il y aurait une clientèle pour ce disque, amis en Amérique je l’ignore, quant au Japon … !
Cher Monsieur Hitchcock, vous m’avez donné une grande preuve de confiance en acceptant l’idée de ce livre ; j’ai passé auprès de vous une semaine passionnante, très dense, très vivante et très instructive. J’ai eu beaucoup de plaisir à connaître Madame Hitchcock. Notre dîner parisien – qui me faisait assez peur, je l’avoue – s’est très bien passé et a enchanté tous nos convives.
Fidèlement votre,
François Truffaut Note : Bernard Herrmann a écrit la partition de 7 films d’Hitchcock ainsi que le 1er Welles « Citizen Kane … et 2 films de Truffaut : « Farhrenheit » et « La mariée était en noir ». |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Mer 25 Oct 2006 - 12:33 | |
| - François Truffaut a écrit:
- Paris, le 5 Octobre 1965
Cher Monsieur Hitchcock,
Je suis désolé de venir vous troubler à la vielle de votre nouveau tournage, mais j’a quelques questions à vous poser au sujet de notre livre, « Entretiens avec Alfred Hitchcock ». Je suppose que vous avez terminé la lecture du manuscrit et naturellement je serais désireux de connaître votre opinion.
1° Pensez-vous que l’on peut remettre dés à présent le texte aux éditeurs de New York et de Paris ? 2° Si tel n’est pas votre avis, je suppose que vous désirez apporter des modifications au texte ou peut-être pratiquer des coupures, ou au contraire, ajouter des éléments complémentaires ? 3° Si le livre vous convient à peu prés tel qu’il est , il nous reste à compléter ensemble la première moitié du dernier chapitre, c’est à dire tout ce qui concernera « Marnie », « Torn Curtain » et peut-être « RRRRR ». Cette prochaine rencontre pose un problème de dates, car il se peut que je commence le tournage de « Farhenheit 451 » vers le début Février à Londres, c’est-à-dire, au moment, je crois, où vous terminerez « Torn Curtain » ? 4° Si le livre vous convient, mon seul problème sera de convaincre les éditeurs à New York et à Paris de nous laisser intercaler les trois cents photos de films, photogrammes et photos de travail qui illustrent fidèlement vos propos. En effet, les éditeurs craignent qu’une illustration si abondante les oblige à vendre le livre trop cher.
Cher Monsieur Hitchcock, je sais que votre temps est extrêmement précieux et je ne m’attends pas à une réponse à cette lettre, mais peut-être Miss Peggy Robertson pourra-t-elle écrire ou téléphoner à Helen Scott pour lui faire connaître votre pensée ? J’espère avoir le plaisir de vous revoir prochainement, je vous souhaite bonne chance pour « Torn Curtain », et je vous prie de transmettre mes hommages à madame Hitchcock et de me croire votre dévoué,
François Truffaut Notes: - "RRRRR" : projet non concrétisé - Helen Scott, amie de Truffaut, a assisté à tous les entretiens afin de les traduire en simultané, Truffaut ne parlant pas anglais et Hitchcock, pas français |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Mer 25 Oct 2006 - 20:32 | |
| De belles lettres empreintes de respect et d'admiration...quelle déférence on avait en ce temps là pour les pairs qui montraient le chemin... maintenant c'est tutoiement et foutage de gueule à volonté... vous m'en resservirez bien une tranche mon cher Djamel... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 11:52 | |
| - balsamine a écrit:
- De belles lettres empreintes de respect et d'admiration...quelle déférence on avait en ce temps là pour les pairs qui montraient le chemin...
maintenant c'est tutoiement et foutage de gueule à volonté... vous m'en resservirez bien une tranche mon cher Djamel... encore, alors !? - François Truffaut a écrit:
- Paris, le 18 Novembre 1965
Cher Monsieur Hitchcock,
Je vous remercie beaucoup d’avoir trouvé le temps de répondre à ma lettre alors que vous êtes en plein tournage. Je vous remercie également d’avoir relu si attentivement le manuscrit du livre. Nous avons trouvé, Helen et moi, toutes vos corrections extrêmement judicieuses et nous les avons reportées dans la version française.
Etant donné que nous n’avons fait, Helen et moi, qu’un travail journalistique et qu’il s’agit en fait d’un livre d’Alfred Hitchcock, nous pouvons bien vous avouer que nous adorons ce livre, au point même que nous nous en séparerons à regret. Notre rêve serait de vous rencontrer chaque année pour en mettre à jour le manuscrit, le perfectionner sans cesse et le garder pour nous. Cela vous est peut-être déjà arrivé de livrer un film aux distributeurs avec un certain regret … […]
Je termine cette lettre par trois questions : 1° Pensez-vous pouvoir nous recevoir, Helen et moi, début Avril afin de terminer nos entretiens sur « Marnie » et « Torn Curtain » 2° Pouvez-vous nous dire dés maintenant de quelle manière vous faites votre apparition dans « Torn Curtain » 3° Quel est le rôle exact de Jack Warren dans « Torn Curtain » (et « Spellbound ») ?
La préparation de « Farhenheit 451 » s’effectuant à M.C.A., cela nous a permis, Helen et moi, de visionner plusieurs de vos TV films. J’ai beaucoup aimé « The Jar », « L’histoire de Diaz » et tout particulièrement « Four Hours » que vous avez dirigé vous-même. En espérant que votre nouveau film ne vous donnera que des satisfactions, je vous prie de me croire fidèlement votre. François Truffaut Notes : - La première édition du livre date de fin 1967, la dernière de 1988. - L’apparition de Hitch dans « Torn Curtain » : il tient un bébé sur ces genoux… qui fait pipi sur son pantalon ! - M.C.A. : peut-être le Massachusetts College of Art |
| | | nulnul7 Modérateur
Nombre de messages : 1414 Age : 56 Localisation : Plane et erre Date d'inscription : 28/09/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 14:27 | |
| - L'Gé a écrit:
- ... M.C.A ....
Music Corporation of America. Continue, continue! | |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 19:01 | |
| - L'Gé a écrit:
- balsamine a écrit:
- De belles lettres empreintes de respect et d'admiration...quelle déférence on avait en ce temps là pour les pairs qui montraient le chemin...
maintenant c'est tutoiement et foutage de gueule à volonté... vous m'en resservirez bien une tranche mon cher Djamel... encore, alors !?
- François Truffaut a écrit:
- Paris, le 18 Novembre 1965
Cher Monsieur Hitchcock,
Je vous remercie beaucoup d’avoir trouvé le temps de répondre à ma lettre alors que vous êtes en plein tournage. Je vous remercie également d’avoir relu si attentivement le manuscrit du livre. Nous avons trouvé, Helen et moi, toutes vos corrections extrêmement judicieuses et nous les avons reportées dans la version française.
Etant donné que nous n’avons fait, Helen et moi, qu’un travail journalistique et qu’il s’agit en fait d’un livre d’Alfred Hitchcock, nous pouvons bien vous avouer que nous adorons ce livre, au point même que nous nous en séparerons à regret. Notre rêve serait de vous rencontrer chaque année pour en mettre à jour le manuscrit, le perfectionner sans cesse et le garder pour nous. Cela vous est peut-être déjà arrivé de livrer un film aux distributeurs avec un certain regret … […]
Je termine cette lettre par trois questions : 1° Pensez-vous pouvoir nous recevoir, Helen et moi, début Avril afin de terminer nos entretiens sur « Marnie » et « Torn Curtain » 2° Pouvez-vous nous dire dés maintenant de quelle manière vous faites votre apparition dans « Torn Curtain » 3° Quel est le rôle exact de Jack Warren dans « Torn Curtain » (et « Spellbound ») ?
La préparation de « Farhenheit 451 » s’effectuant à M.C.A., cela nous a permis, Helen et moi, de visionner plusieurs de vos TV films. J’ai beaucoup aimé « The Jar », « L’histoire de Diaz » et tout particulièrement « Four Hours » que vous avez dirigé vous-même. En espérant que votre nouveau film ne vous donnera que des satisfactions, je vous prie de me croire fidèlement votre. François Truffaut Notes : - La première édition du livre date de fin 1967, la dernière de 1988. - L’apparition de Hitch dans « Torn Curtain » : il tient un bébé sur ces genoux… qui fait pipi sur son pantalon ! - M.C.A. : peut-être le Massachusetts College of Art J'avais adoré Marnie, je pense mm avoir évoqué ce film sur l'autre forum... Outre une intrigue policière remarquable, j'avais été frappée par la puissance érotique qui émanait de certaines scènes avec Sean Connery et Tippi Hedren ? Corrigez-moi si je me trompe d'acteurs... | |
| | | clomani Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 19:19 | |
| - balsamine a écrit:
- [j'avais été frappée par la puissance érotique qui émanait de certaines scènes avec Sean Connery et Tippi Hedren ? Corrigez-moi si je me trompe d'acteurs...
Mais c'est Sean Connery qui dégage une puissance érotique incroyaaaable, Balsamine... quand j'disais (sur l'autre forum) qu'il avait tout son "érotisme" dans sa façon de remuer les narines... |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 19:35 | |
| - clomani a écrit:
- balsamine a écrit:
- [j'avais été frappée par la puissance érotique qui émanait de certaines scènes avec Sean Connery et Tippi Hedren ? Corrigez-moi si je me trompe d'acteurs...
Mais c'est Sean Connery qui dégage une puissance érotique incroyaaaable, Balsamine... quand j'disais (sur l'autre forum) qu'il avait tout son "érotisme" dans sa façon de remuer les narines... Vous avez raison les filles ! Ce que j'ai trouvé trés erotique, c'est que Sean Connery tombe amoureux d'une voleuse et menteuse compulsive (Tippi Hedren). Le pouvoir qu'il exerce sur elle mais en même temps le piège de la complicité qui se referme sur lui, ça donne une tension sensuelle voire sexuelle trés forte. De plus, comme elle a un problème psychologique, [spoiler- une peur incoyable du rouge, des orages et des hommes qui la touchent... tout ça, bien sûr et comme souvent chez Hitch, à cause d'une mère abusive - fin spoiler], sa fragilité est extrêmement touchante, comparée à la brutalité mâle de Connery. Chef d'oeuvre ?! Une anecdote : Tippi Hedren a été découverte par Hitch dans "The birds". Son personnage s'appelle Mélanie. La fille de Tippi s'appelle aussi Mélanie (Griffith). |
| | | dodcoquelicot
Nombre de messages : 2773 Age : 65 Localisation : A l'est, mais pas tout à fait Date d'inscription : 02/10/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 26 Oct 2006 - 19:38 | |
| - clomani a écrit:
- balsamine a écrit:
- [j'avais été frappée par la puissance érotique qui émanait de certaines scènes avec Sean Connery et Tippi Hedren ? Corrigez-moi si je me trompe d'acteurs...
Mais c'est Sean Connery qui dégage une puissance érotique incroyaaaable, Balsamine... quand j'disais (sur l'autre forum) qu'il avait tout son "érotisme" dans sa façon de remuer les narines... Oh les filles... Quand même ! C'est la moustache ou quoi ? Et le gars qui sait bien remuer les narines, c'est pas lui , c'est Errol Flyn... Le chouchou de ces dames Y'a pas confusion, là ? Heu, excusez pour mon intervention, vous pouvez continuer...?.... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Ven 27 Oct 2006 - 10:24 | |
| - François Truffaut a écrit:
- Paris, le 19 Octobre 1966
Cher Monsieur Hitchcock,
Notre livre, « Le Cinéma selon Alfred Hitchcock », va paraître vers le 20 Novembre à Paris à peu prés aux mêmes dates que la sortie de « Torn Curtain ». Les éditions Robert Laffont pensaient organiser un cocktail pour la circonstance, mais je crois qu’une telle réunion n’aurait pas beaucoup de sens puisque vous n’y assisteriez pas. J’ai proposé une autre idée que je soumets à votre approbation. Au lieu d’envoyer aux journalistes le service de presse du livre, nous les inviterions à venir retirer leur propre exemplaire au cours d’une séance qui vous serait consacrée et qui aurait lieu, un après-midi, à la Cinémathèque du Palais de Chaillot. […]
Pour simplifier les questions d’autorisation à obtenir de la part des firmes distributrices, nous nous contenterions d’abord d’un film anglais, « Les Trente-neuf Marches », dans la copie personnelle de la Cinémathèque française : les séquences de Madeleine Carroll et Robert Donat liés par les menottes.
Viendraient ensuite trois scènes de films Paramount : a) « Rear Window » ; le final du film à partir du moment où James Stewart téléphone à Raymond Burr pour le faire quitter son appartement. b) « The Man Who Knew Too Much » : la scène du concert à l‘Albert Hall en commençant dés que Doris Day pénètre dans le lobby c) « Psycho » : le meurtre sous la douche, le nettoyage de la salle de bain par Anthony Perkins jusqu’à la disparition de la voiture dans le marécage
Puis deux films Universal : a) « The Birds » : Melanie Daniels (*1) arrive devant l’école jusqu’à la fin de la séquence b) « Marnie » : la séance de psychanalyse nocturne
Ainsi nous n’aurions affaire qu’à Paramount et Universal et je crois que ces 60 minutes de projection feraient bonne impression. […]
Par ailleurs, pour tout ce qui concerne le lancement publicitaire du livre, les éditions Robert Laffont seront en contact avec le département publicité d’Universal et je crois qu’ils prendront ensemble toutes sortes d’excellentes initiatives. Par exemple, le livre sera vendu à la caisse des salles d’exclusivité parisiennes qui projettent « Torn Curtain » et aussi de celles qui projettent « Farhenheit 451 ».
Je suis très impatient de recevoir votre réponse, impatient également de voir annoncer votre 51éme film et je vous prie, Madame Hitchcock et vous, de me croire fidèlement votre,
François Truffaut Note : (*1) Il s’agit du nom du personnage joué par Tippi Hedren |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Lun 30 Oct 2006 - 11:03 | |
| - Alfred Hitchcock a écrit:
- (extrait)
Le 6 Avril 1967,
[…] Je suis à présent en train de préparer un nouveau film. Nous n’avons pas encore de titre mais cela concerne un psychopathe, meurtrier de jeunes femmes. C’est vaguement inspiré d’un cas anglais. C’est une histoire purement réaliste, le personnage est un jeune homme qui a un certain genre de relation avec sa mère… la chose qui m’intéresse dans cette histoire c’est, qu’après le premier meurtre, vous savez, quand il rencontre la seconde fille, qu’elle court un danger mortel et que vous vous demandez comment cela arrivera. La troisième fille est une femme de la police dont la mission est d’attraper le meurtrier. Ainsi, le dernier tiers de l’histoire est-il plein de suspens puisque vous attendez le moment où le jeune meurtrier découvrira qu’un piège lui est tendu. J’ai acheté cette histoire à un auteur anglais nommé Benn W. Levy. La dernière fois où j’ai travaillé avec lui c’était en 1929, quand il a écrit les dialogues pour le premier anglais parlant « Blackmail ». Puis il a écrit des pièces de théâtre à travers les années avec plus ou moins de succès. Je vais traiter ce film avec réalisme et j’utiliserai autant d’intérieurs réels que je pourrai.
Note : il s’agit du premier script de « Frenzy ». Quelques semaines plus tard, Hitchcock adressa le scénario à Truffaut. - François Truffaut a écrit:
- Paris , le 31 Aout 1967
Cher Monsieur Hitchcock,
Avant de répondre à votre lettre, je voulais achever le tournage de « La mariée était en noir ». Le film est maintenant au montage et sera livré à United Artists, terminé, le 15 Novembre. Comme je travaillais en français, et, surtout, comme il n’y avait pas d’Oskar Werner avec qui me disputer, le tournage a été bien plus agréable et bien plus harmonieux que celui de « Farhenheit 451 ». L’équipe de production était efficace et les acteurs si coopératifs que nous avons pu liquider le tournage avec huit jours d’avance, et aussi de réduire de cent mille dollars le budget de huit cent mille dollars. Bien que cette économie en elle-même ne soit pas synonyme de succès, les gens d’United Artists sont visiblement assez contents. Je peux vous dire que la bonne volonté de Jeanne Moreau, son esprit rapide, sa constante bonne humeur et sa solidarité sans réserve avec le film font d’elle une actrice idéale dans le travail. Comme elle déteste se voir à l’écran et a pleinement confiance en son metteur en scène, elle ne juge même pas utile de voir les rushes. Sur le plateau elle est prête à jouer vite ou lentement, à être drôle ou triste, sérieuse ou loufoque, à faire tout ce que le metteur en scène lui demande. Et, en cas de malheur, elle se tient prêt du capitaine du navire : Plus prés de toi, mon Dieu », elle se conte,te de sombrer à son côté. […]
Les cinq hommes qui ont joué avec elle (*1) ont fait une excellente performance et, si le film a quelque défaut, celui-ci doit être attribué à une erreur dans la construction du scénario. Vos commentaires concernant l’épisode avec Morane, le père du petit garçon, m’ont été d’une aide inestimable et j’ai fait de mon mieux pour le rendre plus vraisemblable. Il est trop tôt pour dire si j’y est pleinement réussi et cela peut s’avérer être l’une des faiblesses de l’histoire.(*2)
Mes deux prochains films sont : 1° « Baisers volés », un film à petit budget sur les premières amours d’une jeune homme à Paris, interprété par Jean-Pierre Léaud, le jeune acteur des « Quatre cent coups » (*3). 2° « L’enfant sauvage », le film dont je vous ai parlé, l’histoire d’un enfant sourd-muet découvert à l’âge de onze ans, vivant dans les bois comme un animal. (*4) Si tout marche comme prévu, les deux films seront faits en 1968. […]
« Le procès Paradine » et « Rebecca », qui sont actuellement rediffusés dans toute la France par les frères Siritzky, font partout de grosses recettes. J’attends avec impatience la publication du « Cinéma selon Alfred Hitchcock » : vous vous rappellerez que le but initial de mon entreprise n’était pas de faire un best-seller, mais d’influencer et de secouer la suffisance des critiques de New York. Elle s’adresse aux spécialistes et au public de plus en plus nombreux des cinéphiles, et s’apparente sans aucun doute plus aux livres d’Igor Stravinski ou au « Journal » de Paul Klee qu’aux mémoires de Svetlana Staline. Malgré cet avertissement, il est rassurant de voir que Robert Laffont semble très content des ventes en France et au Canada (*5). Cher Monsieur Hitchcock, j’espère recevoir bientôt de bonnes nouvelles de votre 51° (*6) et vous prie de transmettre mon meilleur souvenir à Madame Hitchcock et de trouver ici les plus fidèles amitiés de
François Truffaut Notes :
(*1) il s’agit de : Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Michel Bouquet, Michael Lonsdale, et Charles Denner.
(*2) Morane est joué par Michael Lonsdale. Bien plus tard, Truffaut, répondant à un interview pour l’express, dira de « La mariée… » : « le seul film que je regrette d’avoir fait, c’est ‘La mariée était en noir’. Je voulais offrir à Jeanne Moreau quelque chose qui ne ressemble à aucun de ses autres films , mais c’était mal pensé. Le thème manque d’intérêt : l’apologie de la vengeance idéaliste, cela me choque, en réalité. Lorsque j’ai vu ‘Le vieux fusil’, j’ai éprouvé une gêne, et moi, j’avais fait la même chose ! On ne peut pas se venger, la vengeance n’est pas noble. On trahit quelque chose de soi en exaltant cela ».
(*3) « Baisers Volés » a été tourné en 1968, en effet juste après « La mariée… ». C’est dans ce film qu’on voit Léaud articuler devant son miroir : « An-toine Doi-nel, An-toine Doi-nel » (moi, ça me fait bien rire ! )
(*4) Avant « L’enfant sauvage », Truffaut tournera, en 1968 également, « La sirène du Mississipi », selon moi, un des plus beaux films de Truffaut. Il est à noter que dans « L’enfant sauvage », pour la première fois, Truffaut « fera l’acteur » : il y joue le rôle du Dr Jean Itard, qui recueille et rééduque l’enfant. Il dira de cette expérience : « je ne retire pas l’impression d’avoir joué un rôle, mais simplement d’avoir dirigé le film devant le caméra et non derrière, comme habituellement ».
(*5) On voit que Truffaut est un peu inquiet avant la sortie du livre aux US. Il sait que tout anglo-saxon, y compris Hitch, juge une entreprise réussie d’abord selon l’argent qu’elle a généré.
(*6) Il parle de « Frenzy » …. qui sera en fait le 52° film de Hitchcock (Topaz sera tourné avant) |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Frenzy Lun 30 Oct 2006 - 20:53 | |
| J'avais bien apprécié ce film vu il y a très longtemps, le dernier d'Hitchcock, légérement bucolique, me souviens d'une scène qui se passe dans une fourgonnette à légumes...
Ah les sandwiches au concombre anglais !! un régal...
C'est sympa les mots de Truffaut sur Jeanne Moreau....pas diva pour un sou...
merci pour ces moments choisis... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Mar 31 Oct 2006 - 10:49 | |
| - François Truffaut a écrit:
- Paris, le 19 Février 1968,
Cher Monsieur Hitchcock,
Je suis réellement désolé de ne pas avoir réussi à vous écrire plus tôt au sujet de « Frenzy », mais je désirais beaucoup vous donner un compte-rendu de lecture très détaillé scène par scène, et là-dessus, le tournage de mon nouveau film « Stolen kisses » (*1) est arrivé plus vite que je m’y attendais. Ensuite, il y a eu l’affaire de la Cinémathèque française (*2) dont vous avez dû recevoir les échos et dont, avec nos amis des Cahiers du Cinéma, j’ai dû m’occuper beaucoup en dehors des heures de tournage.
Voici donc mon rapport sur « Frenzy » et je dois vous demander tout de suite de me pardonner si par moments je parle comme si j’avais tourné 50 films et que j’écrive à un jeune cinéaste de l’Underground ! Vous savez tout le respect, l’admiration et la vénération que je vous porte et aussi l’intimité avec laquelle je me trouve devant vos films lorsqu’ils sont terminés, mais je considère que, les scénarios étant simplement des étapes de travail, ces étapes peuvent être critiquées sincèrement et fermement même si aucune de mes critiques ne devrait vous paraître effective. Il y a dans « Frenzy » les possibilité d’un grand film dans la lignée de « Shadow of a doubt », « Strangers on a train » et « Psycho » (*3), c’est pourquoi je ne me fais aucun souci sur le résultat final.
Analyse du scénario :
1° j’aime beaucoup le début du film sur les New Jersey Flats ainsi que la présentation du président et de sa famille 2° La présentation de Willie est très bonne. Beaucoup de gens vous diront probablement qu’il fait penser au Perkins de « Psycho »,mais je crois qu’il sera tiut aussi bien un parent du Bruno de « Stangers on a train » et le l’oncle Charlie (*4). 3° La scène au Shea Stadium de New York me semble également parfaite. 4° La scène qui suit entre Willie Cooper et sa mère ne ma paraît pas complètement satisfaisante à ce stade du scénario. Il me sarit difficile d’expliquer pourquoi. En fait, elle marchera peut-être très bien lorsqu’elle sera dialoguée. 5° la scène entre Willie et Caroline devant le building des Nations-Unies est extrêmement prometteuse et je sens qu’elle sera très réussie comme chaque fois que vous montrez sur l’écran un criminel idéaliste expliquant ses idées sur la vie. 6° L’autre scène qui complète celle-ci dans le cimetière me paraît également prometteuse. 7° Ensuite arrive le meurtre à Central Park, et là, nous savons que cette scène sera magistrale et que le Hitch touch y fonctionnera à cent pour cent. 8° Ensuite, je ne peux m’empêcher de faire des réserves en ce qui concerne les rapports de Willie et de sa mère, car vous donnez tellement vite l’impression qu’elle soupçonne son fils qu’il nous sera ensuite extrêmement difficile d’accepter l’idée qu’elle collabore avec la police, même dans l’espoir d’établir que son fils est innocent. Ce point est le seule critique importante que je puisse formuler à propos de votre scénario et elle subsiste malgré plusieurs lectures attentives. Avec l’histoire des roses dont les épines ont été ôtées par le fleuriste, la blessure à la main, le mention sur le journal, le public n’aura aucun doute sur les pensées de Miriam [ …]
Je me demande si le scénario ne suit pas une ligne un peu trop éventuellement prévisible.
15° Par exemple, je crois que le public s’attendra à trouver la police à l’atelier d’artistes et je me demande s’il n’aurait pas été utile de montrer que Willie s’attend également à trouver la police au studio et qu’il hésite avant de s’y rendre. On filmerait son comportement contradictoire. Je vois bien que vous avez adopté une autre solution avec la voix off imaginaire dans l’escalier, mais je ne suis pas bien sûr d’avoir bien compris votre intention . 16° La scène suivante entre Miriam et Willie me gêne, car je la trouve trop explicite. Pour le spectateur, elle risque de donner l’impression que l’action n’avance plus. Par ailleurs, elle renforce encore nettement les soupçons de Miriam, ce qui occasionnera une gêne plus tard. 17° La scène de Miriam chez le père de Willie ne me paraît pas au point. Elle donne l’impression d’exister uniquement pour apporter des précisions au public et lé déception qu’elle procure vient probablement de l’attitude passive du père de Willie. La scène n’a pas de but évident, elle ne comporte pas un début, un milieu et une fin et, si l’on revoit une deuxième fois le président, on s’attend à le revoir une troisième fois. […]
En fait, je me demande si « Frenzy », dans sa seconde partie , n’est pas trop simple. Je crois que cela vient de ce qu’il s’agit d’un scénario original. Dans les adaptations de romans, même en les simplifiant à l’extrême, vous conservez toujours des scènes annexes, plus ou moins étranges et inattendues, qui enrichissent le film. Ici, il n’y a que l’histoire toute crue et toute simple et j’ai peur que cette simplicité, très efficace dans le première moitié du film, occasionne de la banalité dans la seconde partie. 19° Naturellement, je reconnais que le film redevient passionnant avec l’arrivée de Julie Cook, mais le serait-il moins si Miriam croyait également que Julie Cook est journaliste ? 20° J’aime beaucoup le développement des rapports amoureux entre Julie et Willie et je sens que toutes ces scènes seront très bonnes. Le personnage de Willie devient réellement émouvant au fur et à mesure que naissent en lui de vrais sentiments pour Julie. […]
Naturellement, si vous n’êtes pas déçu par mes critiques, je serai très heureux de lire le prochain traitement de « Frenzy » et je serai certain qu’au moment où j’écris, la plupart des points que j’ai soulevés sont en train d’être résolus par vous. J’espère aussi que vous avez déjà de bons acteurs en tête pour tous ces rôles. L’acteur qui jouera Willie aura une grande chance professionnelle. Voilà, cher Monsieur Hitchcock, le compte-rendu de ma lecture.
« The bride wore black » ne sortira en France qu’en Avril à cause du succès du film Paramount, « Benjamin » (*5) Je ne vous envoie pas le scénario du film que je suis en train de tourner, « Stolen kisses », parce qu’il s’agit d’une comédie sentimentale et nostalgique avec une grande part d’improvisation et un budget de 250 000 dollars !
Ensuite, je tournerai un film plus important « Waltz into Darkness » de William Irish (*6) , avec Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo. J’ai acheté les droits de ce livre à la Fox et je pense le tourner pour United Artists. J’ai écrit une première adaptation que je vous enverrai dés qu’elle sera traduite en anglais, dans un mois. J’espère avoir bientôt de bonnes nouvelles du « Hitchbook » ; je vois que la presse a été excellente, j’espère que les ventes le seront également.
Cher Monsieur Hitchcock, j’espère que le longueur de ma lettre excusera mon retard et que vous me donnerez bientôt de vos nouvelles. Transmettez mon meilleur souvenir à Madame Hitchcock et croyez moi toujours fidèlement vôtre,
François Truffaut Notes :
(*1) « Baisers Volés »
(*2) En février 1968, le ministre de la Culture, André Malraux, impose un directeur administratif à Henri Langlois, alors directeur de la Cinémathèque. Cet administrateur était en fait chargé de mettre de l’ordre dans la gestion. Langlois refuse, soutenu par des grands noms du cinéma, dont Truffaut, s’appuyant sur les débuts du mouvement étudiant. Le gouvernement reculera.
(*3) « L’ombre d’un doute », « L’inconnu du Nord-Express » et « Psychose »
(*4) Charlie, joué par Joseph Cotten dans « L’ombre d’un doute »
(*5) Il s’agit probablement du film de Miche Deville « Benjamin ou les mémoires d’un puceau » avec Pierre Clémenti, Catherine Deneuve, Michèle Morgan, Michel Piccoli sorti en Janvier 1968
(*6) « La sirène du Mississipi »
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| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Jeu 2 Nov 2006 - 11:20 | |
| - François Truffaut a écrit:
- Paris, le 4 Juillet 1968,
Cher Monsieur Hitchcock,
Je vous remercie beaucoup de votre lettre du 27 Juin et je suis très touché que vous ayez consacré du temps à regarder « The bride wore black". Votre analyse du film est extrêmement indulgente et vous avez certainement remarque que les critiques de New York citent beaucoup votre nom dans les compte(rendus. Je pense que c’est d’une part assez juste parce que je vous dois beaucoup et d’autre part non justifié puisqu’il s’agit d’une histoire en fait assez différente de celles qui vous intéressent pour en tirer un film. En résumé, la critique new-yorkaise est assez bonne et le box-office également. En ce qui concerne « Frenzy », je ne suis pas certain que vous deviez abandonner ce film qui comportait bien des aspects séduisants. Il y avait évidemment beaucoup de problèmes à résoudre dans la deuxième partie, mais aussi beaucoup de scènes passionnantes d’un bout à l’autre du script.
Effectivement, je serais très heureux de lire « Topaz » en français si vous pouvez m’envoyer l’édition canadienne. La référence que vous indiquez à propos de « Notorious » (*1) est très intéressante. J’avais imaginé quelque chose du côté de « The man who knew too much », mais en fait, ce sera peut-être entre les deux films.
Je sais que vous comptez engager plusieurs acteurs français. La première victime de « The bride wore vlack », Claude Rich, qui a retenu votre attention, ne parle pas malheureusement l’Anglais. Par contre, le troisième, Michael Lonsdale lui le parle parfaitement, étant, d’ailleurs, fils d’un sujet britannique.
Helen Scott a dû vous faire parvenir des photos et l’enregistrement de la voix de Claude Jade, jeune fille de 20 ans qui est l’héroïne du film que j’ai tourné depuis, « Stolen Kisses ». Elle est de huit ans plus jeune que Catherine Deneuve, elle est un peu dans le genre Grace Kelly / Joan Fontaine et, d’après ce que je connais du roman « Topaz », elle semble correspondre à l’un des rôles (*1). Si je puis vous aider de quelque façon que ce soit à propos de ce film, n’hésitez pas à me le demander.
En réponse à ce que vous me dites sur Henri Langlois, je pense que vous aurez bientôt l’occasion de lui manifester votre amitié, car une fondation sera créée aux USA, pour aider la Cinémathèque française, et cette fondation bénéficiera du tax exempt. Je crois également que Langlois vous demandera alors de lui donner des copies de certains de vos films. Tout cela sera davantage au point en Octobre et nous avons l’impression que le gouvernement sera désormais très gentil avec Langlois. J’ai passé quelques jours à New-York et j’ai appris que l’édition du « Hitchbook » chez Simon & Schuster atteignait 100 000 exemplaires, ce qui est excellent. J’espère que nous aurons la même satisfaction avec l’édition britannique.
En espérant recevoir bientôt de vos nouvelles, je vous prie de transmettre mon souvenir amical à Madame Hitchcock et croyez moi fidèlement vôtre,
François Truffaut Notes :
(*1) « Les enchaînés »
(*2) Claude Jade sera finalement retenue par Hitchcock (mais pas Michael Lonsdale)
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| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: claude jade et truffaut Jeu 2 Nov 2006 - 22:22 | |
| Me demande si Truffaut couchait avec Mle Jade pour en parler avec autant de chaleur à Hitchcock, pour ma part, jamais aimé cette actrice effacée... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Ven 3 Nov 2006 - 11:01 | |
| - balsamine a écrit:
- Me demande si Truffaut couchait avec Mle Jade pour en parler avec autant de chaleur à Hitchcock,
pour ma part, jamais aimé cette actrice effacée... Oui. Il voulait même se marier avec elle. Il y a renoncé au dernier moment. Truffaut était un homme qui aimait les femmes, pour paraphraser un de ses plus beaux films. Ils les a magnifiées et (parfois) aimées : Lafont, Dorléac, Deneuve, Moreau, Jade, Baye, Adjani, Ardant... |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Ven 3 Nov 2006 - 11:16 | |
| - Alfred Hitchcock (Télégramme) a écrit:
- Fin Décembre 1973
Alma and Alfred Hitchcock vous souhaitent un très heureux A B C D E F G H I J K L M O P Q R S T U V W X Y Z.
Note: Truffaut avoua avoir mis un peu de temps pour décoder ce petit télégramme affectueux ! ... et vous ? |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Ven 3 Nov 2006 - 19:10 | |
| mais à quoi y pensaient en envoyant ces voeux les Hitchcock ?
J'avais bien aimé "l'homme qui aimait les femmes" avec charles denner, une sacrée gueule ce type, j'avais été frappée par sa fin incroyable dans le film....cette course casanovienne sans fin....une maladie la séduction parfois... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Lun 6 Nov 2006 - 13:04 | |
| . Hitchcock est mort le 29 Avril 1980. - François Truffaut, dans le dernier paragraphe du 'HitchBook', a écrit:
- Lorsque le cinéma a été inventé, il a d’abord servi à enregistrer la vie, il était alors une extension de la photographie. Il est devenu un art lorsqu’il a échappé au documentaire. On a compris qu’il ne s’agissait plus de reproduire la vie mais de l’intensifier. Les cinéastes du muet qui n’étaient pas capable d’inventer ont dû renoncer. Alfred Hitchcock a souvent déploré le recul qui s’est produit au moment du parlant, lorsqu’on a recruté des metteurs en scène de théâtre qui ne se souciaient pas de visualiser les histoires et se contentaient de les enregistrer sur pellicule.
Hitchcock faisait partie d’une autre famille, celle de Chaplin, Stroheim, Lubitsch. Comme eux, il ne s’est pas contenté de pratiquer un art mais s’est employé à l’approfondir, à en dégager les lois, plus strictes que celles qui régissent le roman. Hitchcock n’a pas seulement intensifié la vie, il a intensifié le cinéma.
François Truffaut, 1983 |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Lun 6 Nov 2006 - 20:01 | |
| la dernière photo est tirée du film frenzy...brrr... | |
| | | L'Gé Invité
| Sujet: Re: Hitchcock - Truffaut, la correspondance Lun 6 Nov 2006 - 20:39 | |
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