Dans la fantasy moderne, il y a les pro
Assassin Royal, et il y a les pro
Trône de Fer. L'avantage du premier, c'est que la saga est terminée, donc pas trop frustrante à lire : il y a le premier cycle de
l'Assassin Royal (6 premiers tomes), le cycle des
Aventuriers de la Mer qui se déroule juste après dans le même monde avec des personnages différents, et puis la suite et fin de
l'Assassin Royal (tomes 7 à 12). Je me suis donc attaqué au premier cycle, pour voir si Robin Hobb était aussi bonne conteuse que George RR Martin.
L'
Assassin Royal ne multiplie pas les points de vue comme
le Trône de Fer : tous les évènements sont vus par les yeux de Fitz, batârd du prince Chevalerie. Elevé par Burrich le maître d'écurie, en contact permanent avec les chiens et les chevaux, il découvre dès le plus jeune âge qu'il maîtrise le Vif, c'est-à-dire la faculté de partager les pensées des animaux, talent très mal vu dans le Royaume des Six-Duchés car un homme ne doit pas s'abaisser au niveau des bêtes. Très tôt, le Roi Subtil décide de faire de Fitz un instrument à son service : Umbre, l'assassin royal, est chargé de son apprentissage en espionnage, assassinat et autres complots au service du royaume. Parallèlement, Fitz est initié à l'Art, faculté de contacter les être humains par la pensée, seulement maîtrisée par quelques membres de la famille royale. Ainsi il pourrait devenir le seul homme à maîtriser à la fois le Vif et l'Art, ce qui en ferait une arme redoutable au service du pouvoir... Mais cette puissance a un prix : entièrement dévoué au trône, jamais il ne sera véritablement libre, et son devoir l'obligera parfois aux renoncements personnels les plus terribles.
Fitz a d'autant plus de mal à assumer ses responsabilités que le royaume traverse une période de troubles, alors que, encore adolescent, il manque d'expérience. En effet, Chevalerie, l'aîné de la famille royale, doit renoncer à la succession lorsqu'on découvre qu'il a engendré un bâtard. Et alors que le royaume est menacé par les Pirates Rouges qui attaquent ses côtes, les prétendants au trône se lancent dans des complots qui menacent de virer à la guerre de succession, empêchant toute défense efficace contre les envahisseurs...
Je n'ai pas trop accroché aux premiers volumes, mais je me méfiais, parce que j'avais eu autant de mal à apprécier le début du
Trône de Fer. Maintenant que j'en suis à la fin du tome 5, je peux le dire avec certitude, l'
Assassin Royal ne soutient pas la comparaison. Déjà, Robin Hobb n'a pas été capable de créer un monde aussi riche, aussi bien du point de vue des arbres généalogiques que de la diversité géographique. Les Six-Duchés ressemblent un peu à un royaume d'opérette, avec ses trois pauvres navires en guise de flotte. Après tout, c'est son droit de vouloir raconter l'histoire d'un petit pays, mais ça nuit un peu au côté épique de la chose, qu'on attend toujours en ouvrant ce genre de bouquin.
L'Assassin Royal est donc assez minimaliste, essentiellement centré sur la psychologie de Fitz. Pourquoi pas... Mais Robin Hobb verse un peu trop à mon goût dans ce que les fans appellent sa sensibilité féminine, et que j'aurais tendance à appeler misérabilisme, mièvrerie, sentimentalisme : plutôt que d'agir, l'apprenti assassin n'arrête pas de pleurer sur son malheur jusqu'à s'y complaire, un vrai Caliméro ! A sa décharge, on ne peut pas dire qu'il est épargné par la vie. Qu'est-ce qu'il se prend dans la gueule, à la fois physiquement et psychologiquement, le pauvre ! A se demander comment il parvient à survivre à tout ça... Peut-être uniquement le soutien moral de ses amis à poils, tant les êtres humains s'avèrent impitoyables.
Pour en terminer avec les défauts,
L'Assassin royal n'est pas aussi original que le
Trône de Fer, moins ambigu (quoi que...), moins adulte, plus enfantin ou adolescent à cause de l'âge du personnage. Au rayon qualités, les deux saga donnent une importance égale aux femmes, c'est-à-dire beaucoup plus que dans la plupart des romans de fantasy. Le royaume des Six-Duchés regorge de soldates, mais aussi de vraies dirigeantes. Enfin, soyons juste,
l'Assassin Royal réussit dans sa principale ambition, à savoir divertir le lecteur. C'est un livre qui se dévore volontiers, avec beaucoup de suspens, malgré quelques longueurs. Il m'est bien difficile de me résoudre à abandonner cette histoire en cours de route, alors que s'il n'y avait que la valeur littéraire, j'aurais arrêté dès le premier volume. Je le conseille donc aux fans du genre... mais pas plus.