Elmer Gantry le charlatan (1960) de Richard Brooks, avec Burt Lancaster (oscar), Jean Simmons, Shirley Jones (oscar), Arthur Kennedy.
Ce film ressort en salle le 26 Septembre (visible déjà dans le circuit Utopia)
Et vient à point nommé !
Ou trop tard ?
L’histoire :
Dans l’Amérique rurale de la fin des années 20, Elmer Gantry (Burt Lancaster) mène une existence sordide de VRP habitué aux hôtels miteux et aux nuits d’ivresse et d’amour sans lendemain. S’il brille par sa gouaille et sa connaissance de la Bible (due à une formation avortée de séminariste), sa carrière ne lui offre toutefois que de tristes perspectives. Il entrevoit la possibilité de progresser lorsqu’il croise Sœur Sharon Falconer (Jean Simmons), une femme prédicateur qui exhorte les fidèles à se convertir sous son chapiteau itinérant. A la tête d’un groupe d’évangélistes qu’elle dirige en véritable chef d’entreprise, Sœur Sharon se livre à des sermons empreints de foi et de compassion qui impressionnent au plus haut point le représentant de commerce. Gantry en tombe amoureux et propose ses services à la jeune femme. Grâce à son savoir-faire de bateleur, il se révèle être un prédicateur hors pair et gagne rapidement une belle renommée. Sous l'impulsion d'Elmer, les conversions affluent et l'entreprise devient très vite fort lucrative.
Un journaliste, Jim Lefferts (Arthur Kennedy), suit l'évolution de la troupe évangélique : c’est l’œil lucide et critique
de l’histoire.Bientôt, son passé rattrape Elmer : une jeune prostituée, Lulu Bains (formidable Shirley Jones) veut lui donner une leçon….Elmer Gantry, personnage manipulateur et séduisant, est né en 1927 sous la plume de l’écrivain
Sinclair Lewis,
C’est l’archétype du prédicateur corrompu.
Il est la figure même de l’évangéliste, symptôme d’une société malade de ses valeurs, une société dont les fondations et les idéaux ont été érodés par la culture du spectacle et du profit,
Il en résulte un moralisme «
de foire », étroit et hypocrite.
Lewis fit scandale avec ce portait acide de la religiosité. Son livre fut interdit dans plusieurs villes américaines et le fameux évangéliste
Billy Sunday le traita de «
Satan’s cohort ».
Le protestantisme américain a connu, et connait actuellement, des périodes de « Réveil » : Par "réveil", il faut comprendre ces campagnes d’évangélisations, suivies de conversions massives (le «
reborn » du président
Bush est totalement en phase avec ça). Il faut savoir que ces moments de "remobilisation" religieuse par la base, constituent une constante du christianisme américain.
Même s’il dénonce la puritanisme et la crédulité, le propos de Richard Brooks reste ambigu.
Car Brooks a plutôt de la tendresse pour ces prédicateurs.
Sœur Sharon, bien que sincère dans sa foi, ne se révèlera pas moins une redoutable stratège. Qu’elle soit une sorte « d’entrepreneur religieux » ne semble pas choquer Brooks. La gracile
Jean Simmons, plus
Angel Face que jamais, devient réellemnt fascinante, menant "ses" hommes d’une main de maître et s’imposant par sa seule force de caractère.
Elmer Gantry lui-même, pourtant cynique et corrompu, restera tout au long du film, profondément touchant et humain.
Burt Lancaster ne cessera d’exprimer son affection pour ce personnage :
"Je n'étais pas fait pour être Elmer Gantry, je suis Elmer Gantry !Son personnage représente une mouvance qui portera davantage encore dans les années 20 l’accent sur l’émotionnel, mêlant inspiration blanche et conservatrice et inspiration afro-américaine et "progressiste": c’est le
Pentecôtisme.
Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il passe d’abord, peu avant sa rencontre avec Sœur Sharon, par une église noire. Et quoiqu’il fasse, il sera considéré par l’entourage Sœur Sharon, comme profondément vulgaire, avec ses imprécations grossières et son goût pour le sensationnel.
Le texte d’avertissement qui précède le film en révèle de le départ son ambition
: "Nous estimons que certains évangélistes bafouent les croyances et les pratiques du christianisme organisé…".
Le film, en fin de compte, adopte le point de vue du journaliste
Jim Lefferts qui enquête sur Sœur Sharon : seule importe la liberté individuelle
: "Besides, I'm for a free press, for free enterprise..and for whatever the hell the other freedoms are!"Des effets de répétition et des effets miroir donnent au film une subtilité et une force incroyables.
Elmer, à plusieurs reprises, se rendant compte que son discours ne passe pas, dit : «
On ne te la fait pas à toi, hein ?». Faisant mine alors d’une rédemption partiellement véritable, tout ce qu’il fait alors c’est changer pour un discours qui passe.
Et, finalement, quand il sauve réellement
Lulu Bains (incandescente
Shirley Jones) alors que celle-ci lui a fait beaucoup de mal, il touche à la sainteté... au même moment où Sœur Sharon, elle, prend le parti véritable du sensationnel … et se damne !
Un film qui hante longtemps !