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| Georges Hyvernaud | |
| | Auteur | Message |
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scud56
Nombre de messages : 1742 Age : 68 Localisation : Gross Paris Date d'inscription : 29/09/2006
| Sujet: Georges Hyvernaud Mar 20 Mar 2007 - 1:05 | |
| "la peau et les os"et "Le wagon à vaches": deux bouquins pas franchement désopilants, le premier "racontant" la vie dans les camps de prisonniers en Allemagne, le second décrivant la France de l'après-guerre.... Et surtout, à chaque fois des portraits au vitriol et un regard au minimum désabusé sur le genre humain. Hyvernaud , pessimiste et lucide... Il a été professeur. Je me demande ce que ces élèves ont pu apprendre de ce curieux bonhomme. | |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Georges Hyvernaud Mar 20 Mar 2007 - 20:38 | |
| - scud56 a écrit:
- "la peau et les os"et "Le wagon à vaches": deux bouquins pas franchement désopilants, le premier "racontant" la vie dans les camps de prisonniers en Allemagne, le second décrivant la France de l'après-guerre.... Et surtout, à chaque fois des portraits au vitriol et un regard au minimum désabusé sur le genre humain. Hyvernaud , pessimiste et lucide... Il a été professeur. Je me demande ce que ces élèves ont pu apprendre de ce curieux bonhomme.
ça appelle une synthèse là, la vache et le prisonnier... | |
| | | scud56
Nombre de messages : 1742 Age : 68 Localisation : Gross Paris Date d'inscription : 29/09/2006
| Sujet: Re: Georges Hyvernaud Mar 20 Mar 2007 - 22:30 | |
| Petit extrait du "wagon à vaches" ( paru en 1953) pour donner la couleur....
« C’est curieux, remarque souvent Bourladou, tu ne t’interesses à rien, tu ne lis même pas les journaux. » Tout ce qui peut s’exprimer de découragement et d’ironie navrée avec des sourcils, des rides et des mentons, je le déchiffre à ce moment là sur le visage de Bourladou. Même pas les journaux. Ce qui s’imprime dans les journaux, ces connaissances essentielles, ce qu’on répète et commente, les accidents d’auto, les congrès radicaux, les discours de Flouche, ce qui permet aux gens de se rassembler, de s’entendre, de s’engueuler, les crises ministérielles, les actrices de cinéma, le prix des haricots, le prix Goncourt, le record du huit cents, ce savoir indispensable aux relations et aux passions humaines, procès, grèves et traités de commerce, la marche solenelle des évenements, Truman, Staline, tout ca je m’en fous. Je m’en tamponne. Et je m’y perds, je ne pige pas. Et quand j’essaye d’en parler comme les autres, avec les autres, on le voit tout de suite que je m’en fous et que je m’y perds. Et Bourladou me prends en pitié. Un homme sérieux, lui, normal, bien collé au monde, à la vie, à l’époque. L’image même de la compétence, de la pertinence. Quand cet imbécile me considère, assis les mains aux genoux, douloureux et supérieur, avec ce petit bruit de nez qu’il produit, tch, tch, je suis fixé sur l’idée qu’on peut se faire de moi. Ca tient en deux mots : un pauvre type. Enlevez, c’est pesé. Tout le plaisir que Bourladou éprouve à me fréquenter vient de là. Je ne puis pas me le dissimuler. Ma médiocrité lui est nécessaire pour prendre pleinement conscience de sa propre perfection. De sa qualité intellectuelle. De sa valeur civique et sociale. De sa prospérité. ….. Chez les Bourladou c’est cossu, funèbre et encaustiqué. Plein de meubles. Acajou, palissandre. Des meubles polis par les ans, frottés par Solange. Temple de la paille de fer, de l’aspirateur et de la peau de chamois. Des tentures, des dorures, du vrai marbre et du faux marbre. Le piano, c’est un Pleyel, nous l’avons payé deux cent mille. Napperons sur les meubles. Mme Bourladou les confectionne elle-même, elle a un goût exquis. Et des tas de petits machins en verre, en porcelaine, on a toujours peur de casser quelque chose. Des vases. Des fleurs dans des vases, Mme Bourladou adore les fleurs. C’est dans ca que vit Bourladou. Confort vaseux, bonheur fleuri. Bourladou vit dans un complet sport vert-de-gris. Il vit dans ses quatre-vingt-seize kilos de matière humaine, viande et os, tripes et boyaux. Il vit dans sa vie ronde, morale et grasse d’entrepreneur en maçonnerie. Et moi, je suis un pauvre type, un type moche. C’est comme ca que me voit Bourladou et je sais qu’il me voit comme ca. Ce qui établit entre nous une amitié de style aigre et hypocrite, non sans lâcheté, et pas particulièrement originale, somme toute.
J'aime bien ce gars qui n'a eu aucun succès de son vivant. Pas étonnant. | |
| | | balsamine
Nombre de messages : 809 Age : 68 Localisation : out of africa Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Georges Hyvernaud Mar 20 Mar 2007 - 22:35 | |
| - scud56 a écrit:
- Petit extrait du "wagon à vaches" ( paru en 1953)
pour donner la couleur....
« C’est curieux, remarque souvent Bourladou, tu ne t’interesses à rien, tu ne lis même pas les journaux. » Tout ce qui peut s’exprimer de découragement et d’ironie navrée avec des sourcils, des rides et des mentons, je le déchiffre à ce moment là sur le visage de Bourladou. Même pas les journaux. Ce qui s’imprime dans les journaux, ces connaissances essentielles, ce qu’on répète et commente, les accidents d’auto, les congrès radicaux, les discours de Flouche, ce qui permet aux gens de se rassembler, de s’entendre, de s’engueuler, les crises ministérielles, les actrices de cinéma, le prix des haricots, le prix Goncourt, le record du huit cents, ce savoir indispensable aux relations et aux passions humaines, procès, grèves et traités de commerce, la marche solenelle des évenements, Truman, Staline, tout ca je m’en fous. Je m’en tamponne. Et je m’y perds, je ne pige pas. Et quand j’essaye d’en parler comme les autres, avec les autres, on le voit tout de suite que je m’en fous et que je m’y perds. Et Bourladou me prends en pitié. Un homme sérieux, lui, normal, bien collé au monde, à la vie, à l’époque. L’image même de la compétence, de la pertinence. Quand cet imbécile me considère, assis les mains aux genoux, douloureux et supérieur, avec ce petit bruit de nez qu’il produit, tch, tch, je suis fixé sur l’idée qu’on peut se faire de moi. Ca tient en deux mots : un pauvre type. Enlevez, c’est pesé. Tout le plaisir que Bourladou éprouve à me fréquenter vient de là. Je ne puis pas me le dissimuler. Ma médiocrité lui est nécessaire pour prendre pleinement conscience de sa propre perfection. De sa qualité intellectuelle. De sa valeur civique et sociale. De sa prospérité. ….. Chez les Bourladou c’est cossu, funèbre et encaustiqué. Plein de meubles. Acajou, palissandre. Des meubles polis par les ans, frottés par Solange. Temple de la paille de fer, de l’aspirateur et de la peau de chamois. Des tentures, des dorures, du vrai marbre et du faux marbre. Le piano, c’est un Pleyel, nous l’avons payé deux cent mille. Napperons sur les meubles. Mme Bourladou les confectionne elle-même, elle a un goût exquis. Et des tas de petits machins en verre, en porcelaine, on a toujours peur de casser quelque chose. Des vases. Des fleurs dans des vases, Mme Bourladou adore les fleurs. C’est dans ca que vit Bourladou. Confort vaseux, bonheur fleuri. Bourladou vit dans un complet sport vert-de-gris. Il vit dans ses quatre-vingt-seize kilos de matière humaine, viande et os, tripes et boyaux. Il vit dans sa vie ronde, morale et grasse d’entrepreneur en maçonnerie. Et moi, je suis un pauvre type, un type moche. C’est comme ca que me voit Bourladou et je sais qu’il me voit comme ca. Ce qui établit entre nous une amitié de style aigre et hypocrite, non sans lâcheté, et pas particulièrement originale, somme toute.
J'aime bien ce gars qui n'a eu aucun succès de son vivant. Pas étonnant. vous seriez pas un brin nostalgique d'une époque complètement révolue scud ? | |
| | | scud56
Nombre de messages : 1742 Age : 68 Localisation : Gross Paris Date d'inscription : 29/09/2006
| Sujet: Re: Georges Hyvernaud Mar 20 Mar 2007 - 22:45 | |
| Nostalgique, non. Mais très certainement assez fasciné par tout ce qui s'est passé pendant la première partie du 20ème siècle car je pense que nombre de nos problèmes actuels s'enracinent dans cette période là. Je trouve qu'en regard d'un Hyvernaud un Beigbedder est bien falot. Et je donne toute la chanson française actuelle pour un Brassens ou un Ferré. | |
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